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Le blog Citoyen

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POST TENEBRAS LUX


La République à l’épreuve de ses vieux démons

Publié par Karim R'Bati sur 27 Mars 2012, 19:31pm

Catégories : #ACTUALITÉ

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Décidément certains médias français font dans le simplisme, leur traitement des actes  criminels de Mohammed Merah n’en est qu’un symptôme de plus. D’abord, le récit qu'ils ont en tiré ne colle pas avec l'une des rares images qui circulent du personnage. Ce dernier y apparait comme n’importe quel petit délinquant des banlieues françaises, sans barbe, ni tenue bédouine, ni bonnet afghan. Par ailleurs, les quelques bribes de son discours, même rapportés par ces mêmes médias, sont tout sauf ceux d’un terroriste suicidaire. Peut-être, quelque centimètres de barbes en plus auraient pu contribuer à rendre crédible la fiction médiatique et tout le pathos islamophobe qui va avec, mais là, en l'occurrence, rien n’y fait, la sauce ne prend pas et l’ajout de nouveaux faits anecdotiques, qui relèvent plutôt du parcours individuel d’un criminel, les polémiques à répétition sur les conditions d’intervention et les déclarations péremptoires des uns ou des autres, tout cela ne fait que lever le voile sur l’imposture idéologique qui tend à nous présenter l’affaire sous un certain angle.

Mohammed Merah, ce Français - auquel il convient de n’attribuer aucune autre origine que toulousaine - est ce jeune criminel solitaire qui, dans ce qu’il faut bien qualifier de moment de «pétage de plomb», s’est lancé dans une série de meurtres spectaculaires qui émurent la France et, avec elle, ses communautés, juive et musulmane. Le fait qu’il ait eu recourt à une certaine rhétorique empruntée au terrorisme islamiste, pour justifier l’injustifiable ou pour donner à ses crimes odieux une portée politique, ne peut en aucun cas détourner ses tueries de leur mobile criminel purement abject. Ce délinquant paumé, en mal de repères, n’a rien du profil classique du terroriste, d’autant plus qu’il est déjà connu des services de renseignement français. Tout au plus, son cas présente quelques analogies avec celui de nombreux petits dealers qui ne sont tolérés par la police que dans la mesure où elle s’en sert comme appâts pour atteindre quelques gros bonnets.

 

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Voilà pour le portrait de ce personnage certes dangereux, mais il n’a rien de l’anarchiste aux idées cohérentes, au programme exterminateur raisonné, comme celui d’un certain Anders Behring Breivik, auteur du fameux «Manifeste 2083». Pourtant, le traitement qui lui a été réservé dans certains médias français n’a été qu’un pur exercice de fabrique de la pensée unique. Tout semble avoir été conçu pour rétrécir la perspective, appauvrir le champ des hypothèses de lecture, détourner les actes de leur causalité originelle, pour n’autoriser, finalement, qu’un nombre restreint d’interprétations, illusion démocratique oblige. Mais toute l’imposture médiatique est là : à aucun moment, dans aucun média, on ne juge utile de creuser davantage le récit biographique de Mohammed Merah, de s’intéresser, par exemple, à son itinéraire scolaire et/ ou professionnel. Peut-être, risquerait-on d’être surpris de trouver, là, quelques riches enseignements sur les mécanismes discriminatoires de l’école de la république ou sur les failles des services sociaux qui n’auraient pas réussi à encadrer la catégorie de citoyens français à laquelle appartient Mohammed Merah.

De toute évidence, les choses sont beaucoup plus compliquées qu’on ne peut l’imaginer, ne serait-ce qu’au regard de l’actuelle conjoncture électorale. La France est en pleine zone de turbulence et tout fait divers,  banal, anecdotique ou suscitant l’émoi, ne risque- t- il pas de parasiter des débats cruciaux pour l’avenir des Français et par rapport auxquels les candidats à l’élection présidentielle devront se déterminer. Or, le climat de tension autour de la traque et de l’encerclement de Mohammed Merah et la couverture médiatique qui a été consacrée aux événements risquent d’offrir une belle opportunité à la candidate du Front National (Marine Lepen) ? C’est ce que laisse entendre les réactions des autres candidats, lesquels donnent le sentiment d’œuvrer de concert contre toute récupération «déloyale» d’une affaire susceptible d’alimenter davantage la machine à  stigmatisation des Français de confession musulmane.

Cela étant, à force d’imposer une lecture erronée, partielle et partiale des événements - passant sous silence le poids de la causalité morale, l’importance de la dimension historique et bien d’autres aspects qui relèvent des contradictions qui traversent la société française - les médias hexagonaux ne contribuent-ils pas, consciemment ou inconsciemment, à entretenir quelques-uns de leurs vieux démons ? Maintenus jusqu’à présent en laisse, occasionnellement fouettés à coups de stigmatisations (interdiction du voile, prières de rue, viande halal etc.), ces derniers ne risquent-il pas de s’émanciper du fragile consensus droit-gauche, pour affirmer, sans masque, un visage inquiétant de la France ? On peut le craindre, mais on peut aussi s’en accommoder. En tous les cas, des démons la république en aura toujours besoin comme d’un ultime rempart contre les potentiels périples qui la guettent, les vrais comme les faux, les réels ou les fantasmés.

Karim R'Bati : Berne, le 26 mars 2012

 

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